Le Conseil fédéral a publié le 22 novembre 2017 son projet de révision de la Loi fédérale sur le droit d’auteur et les droits voisins (LDA) qui vise principalement à renforcer la lutte contre le piratage sur Internet. Si le téléchargement (download) pour un usage privé restera légal indépendamment de savoir si l’œuvre a été mise en ligne avec ou sans l’autorisation du titulaire des droits, de nouvelles obligations reposeront sur les fournisseurs d’hébergement.

Un avant projet excessif
L’avant-projet voulait introduire des mesures de blocage par les fournisseurs d’accès, des mesures de retrait (take down) et de non-remise en ligne (stay down) pour les hébergeurs, ainsi qu’un système de notifications aux usagers dont la connexion était utilisée pour commettre des violations du droit d’auteur. Ce système devait aussi permettre de communiquer l’identité de l’auteur de la violation. Les fournisseurs auraient en échange bénéficié d’une certaine immunité s’ils respectaient ces obligations.

Ces mesures étaient fortement critiquées durant la consultation externe. Elles ont heureusement été retirées du projet, ce qui laisse intact le secret des télécommunications.

L’autorégulation
La simsa, l’association faîtière des fournisseurs d’hébergement, dispose d’un Code de conduite Hébergement. Lorsqu’un hébergeur apprend que l’un de ses clients a stocké sur son serveur des contenus protégés par le droit d’auteur et qu’il les met illicitement en circulation, il peut informer son client qu’il a reçu un signalement (appelé notification), le lui transférer et lui demander de supprimer les contenus en cause ou de motiver le caractère légal des contenus dans une prise de position à envoyer à l’expéditeur de la notification.

Dans les cas clairs, l’hébergeur a aussi la possibilité de bloquer entièrement ou en partie l’accès au site web concerné à sa seule discrétion et sans contacter sa clientèle au préalable, jusqu’à ce que l’affaire soit clarifiée entre les personnes impliquées ou par les tribunaux et les autorités.

L’obligation de non-remise en ligne (stay down)
Le droit actuel, en particulier l’art. 62 al. 1 LDA, permet aussi de retirer du contenu illicite. Il est en revanche plus difficile de déterminer l’obligation de prévenir une mise à disposition future.

L’obligation de retirer les contenus est insuffisante si le même contenu est régulièrement remis sur le même serveur car il faudrait à chaque fois faire une demande de retrait (à l’hébergeur ou devant une autorité judiciaire). Pour parer à cette situation, l’art. 39d du projet de révision de la LDA veut faire obligation aux hébergeurs qui génèrent un risque particulier (en raison de leur fonctionnement technique ou de leurs objectifs économiques) de prendre les mesures nécessaires pour qu’une œuvre retirée ne soit pas réintroduites.

Cette obligation, qui est limitée aux hébergeurs à risques, est de plus limitée à la double condition que l’œuvre ait une première fois été rendue accessible à des tiers de manière illicite puis retirée, et que l’hébergeur ait été rendu attentif à la violation du droit.

L’étendue des mesures à mettre en place dépendra de la taille et du professionnalisme de l’hébergeur. Elle pourrait aller de l’obligation de s’identifier avec un mot de passe dans le cas d’un site familial, à une comparaison de la valeur de hachage des fichiers retirés et enregistrés pour un site plus professionnel.

Traitement des données personnelles en vue de déposer une plainte pénale
Le futur art. 77i LDA est la réponse législative à l’affaire Logistep. Il servira de base légale permettant à un titulaire de droits de traiter les données en vue de déposer une plainte ou une dénonciation pénale. Il ne justifiera pas l’identification d’un usager, qui reste réglée par l’art. 14 LSCPT.

Cet article ne permettra pas non plus d’engager une procédure purement civile, mais des conclusions civiles pourront toujours être formées dans le cadre de la procédure pénale (engagée initialement contre inconnu).

 

Pour aller plus loin
Message relatif à la modification de la loi sur le droit d’auteur, à l’approbation de deux traités de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle et à leur mise en œuvre
Projet de Loi fédérale sur le droit d’auteur et les droits voisins

 

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