Le Tribunal fédéral vient de statuer sur le recours déposé par la Tribune de Genève contre la décision l’obligeant à supprimer une publication d’un politicien genevois sur son blog (5A_792/2011).

Toute l’affaire débute le 9 avril 2008, lorsque le président du MCG Eric Stauffer publie sur son blog hébergé par la Tribune de Genève un article intitulé «Banque cantonale : nous exigeons toute la vérité!» dans lequel il accuse un ancien responsable de la Banque Cantonale de Genève d’avoir contribué à la déconfiture de cette banque.

La personne visée dans l’article a obtenu des mesures provisoires ordonnant à la Tribune de Genève et à Eric Stauffer de retirer l’article en question et leur interdisant de le publier. Ces mesures provisoires ont ensuite été confirmées par le Tribunal de première instance de Genève qui a constaté le caractère illicite de l’atteinte. Les frais et dépens ont été mis à la charge de l’auteur pour ¾ et de l’hébergeur pour ¼.

L’hébergeur participe à l’atteinte
Selon le Tribunal fédéral, l’atteinte à la personnalité résulte de la publication d’un texte rédigé par Eric Stauffer sur internet, soit plus précisément sur le blog de ce dernier, hébergé par la Tribune de Genève sur son propre site internet. Si Eric Stauffer est l’auteur originaire de la lésion aux intérêts personnels, la Tribune de Genève, en lui fournissant l’espace internet sur lequel il a pu créer son blog, a permis la diffusion du billet incriminé auprès du public et d’un large cercle de lecteurs. Si elle n’est pas l’auteur de l’atteinte, elle a contribué à son développement et, partant, y a participé conformément à l’art. 28 al. 1 CC.

Le Tribunal souligne ensuite qu’il n’est pas question de contrôler constamment le contenu de tous les blogs hébergés, ni de dommages-intérêts ou en réparation du tort moral. Dans le cas d’une action en réparation du dommage, il faut une faute. Alors qu’ici il s’agit d’une action en cessation de l’atteinte, qui peut être dirigée contre toute personne qui y participe. L’hébergeur d’un blog devra supprimer un article qui porte atteinte à l’honneur comme le responsable d’un panneau d’affichage pourra être obligé de retirer une affiche, même s’il n’en n’est pas l’auteur.

Une obligation de réagir, pas de censure avant
Cette décision ne crée pas un devoir de contrôle de l’hébergeur, mais elle confirme que celui qui participe à une atteinte à la personnalité et qui techniquement est en mesure de la faire cesser doit donner suite à une telle requête. La victime peut choisir librement contre qui elle souhaite diriger sa requête (auteur, hébergeur, éventuellement fournisseur d’accès,…).

La victime n’est pas obligée de s’être adressée préalablement au site avant de saisir la justice mais il lui est recommandé de le faire, comme il est recommandé au site de donné suite déjà à la requête de la victime sans attendre une décision judiciaire (sauf s’il y a des doutes sérieux sur le fait que la publication constitue une atteinte), cela en particulier pour éviter des frais judiciaires.

A noter que cette décision judiciaire concerne le cas d’une demande de suppression d’un contenu portant atteinte à la personnalité et qu’elle ne s’applique pas à n’importe quel contenu illicite. L’art. 28 CC prévoit en effet que celui qui subit une atteinte illicite à sa personnalité peut agir en justice pour sa protection contre toute personne qui y participe, et non seulement contre l’auteur comme c’est le cas pour d’autres contenus illégaux.

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