Dans un arrêt du 2 mars 2018 (1C_598/2016, ATF 144 I 126), le Tribunal fédéral (TF) admet la conservation pendant six mois de données secondaires de télécommunications (métadonnées). Contrairement à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), le TF considère cette conservation comme conforme au principe de la proportionnalité.

Conservation maintenue dans la nouvelle LSCPT

Les recourants demandaient au Service SCPT d’ordonner aux fournisseurs de services de télécommunication concernés de cesser de conserver les métadonnées de télécommunication prévue par l’art. 15 al. 3 aLSCPT (remplacé depuis le 1er mars 2018 par l’art. 26 al. 5 nLSCPT). Le projet de révision de la LSCPT prévoyait même d’étendre la durée de conservation de six à douze mois, mais les parlementaires craignant un référendum avaient choisi de maintenir le statu quo. Cette conservation intervient indépendamment de l’existence d’une procédure pénale et ces données peuvent aussi être utilisées dans d’autres buts.

Une atteinte (admissible) à la sphère privée

Le TF reconnait que cette conservation porte atteinte au droit à l’autodétermination informationnelle (soit le droit de choisir quelles informations un individu veut partager avec qui), mais qu’elle demeure proportionnée et admissible. Le TF retient d’abord que l’atteinte est beaucoup moins significative que s’il s’agissait de données liées au contenu des communications. Ces données ne sont ensuite pas détenues par l’État, mais par les fournisseurs de services de télécommunication qui ne les transmettront qu’en cas de besoin. Finalement les données concernées sont clairement décrites.

Le TF examine ensuite la proportionnalité de la conservation des données de l’ensemble des utilisateurs (qui subissent donc une atteinte) en lien avec le nombre d’infractions à élucider (la justification de la conservation). Il cite la jurisprudence de la CJUE, notamment les arrêts des 8 avril 2014 et 21 décembre 2016 qui s’opposent à une telle conservation, pour souligner qu’ils n’ont pas d’effet en Suisse et que le législateur a expressément choisi en faveur d’un système global et inconditionnel d’enregistrement et de conservation des métadonnées. Il existe en outre des règles strictes, en particulier dans le CPP, quant à l’exploitation de ces données.

Commentaire

On peut regretter que le TF (comme les instances inférieures) n’ait pas cherché à vérifier la nécessité de la conservation des données (par opposition à un système de quick-freeze), ni dans quelle mesure le nombre et la précision des métadonnées ne porte pas une atteinte aussi importante que des données de contenu. Il n’a pas non plus argumenté pourquoi son interprétation de la CEDH diffère de celle de la CJUE. Certes il n’est pas tenu de le faire, mais on aurait pu s’attendre à ce qu’il traite plus en détail de cette question, d’autant qu’un recours devant la CourEDH est attendu. Les règles liées à l’utilisation des données ne devraient de plus pas suffire à justifier la conservation de celles-ci en vue d’une potentielle utilisation ultérieure. Encore aurait-il fallu vérifier que la simple collecte et conservation était justifiée.

Le TF retient encore qu’un traitement peut avoir lieu à l’étranger dans le respect des conditions de l’art. 6 LPD, sans pour autant se demander si le secret des télécommunications ne s’y oppose pas. On peut a priori en douter.

Au chapitre des bonnes nouvelles pour l’individu, le TF rappelle que chacun a le droit d’accéder aux données le concernant en application de l’art. 8 LPD. Une simple requête dans ce sens peut être adressée au fournisseur de télécommunication. On peut utiliser à cet effet le modèle de lettre du Préposé fédéral à la protection des données et à la transparence.

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