La surveillance préventive
La surveillance préventive est l’une des activités essentielles des services de renseignement. Elle a pour principale caractéristique qu’elle ne s’applique pas à la poursuite d’infractions pénales qui auraient été commises, mais qu’elle vise à la détection d’un danger ou d’une menace pour la sécurité du pays. Elle inclut également la recherche d’informations politiques, économiques et militaires. La personne qui est visée par ces mesures techniques de surveillance n’est donc pas l’objet d’une procédure judiciaire et elle ne jouit pas des droits réservés à un prévenu au sens de la procédure pénale. Elle n’est la plupart du temps même pas soupçonnée d’avoir commis ou de vouloir commettre une infraction au sens du droit pénal, mais sa personne ou ses activités pourraient représenter un risque pour la sécurité intérieure.

En Suisse, la surveillance préventive civile repose essentiellement sur La Loi fédérale instituant des mesures visant au maintien de la sûreté intérieure (LMSI) et consiste en la recherche d’informations. La LMSI prévoit également d’autres mesures particulières comme le contrôle de sécurité pour les personnes travaillant pour le compte de l’Etat et ayant accès à des informations sensibles, la protection des bâtiments de la Confédération et des parlementaires, magistrats et agents de la Confédération particulièrement exposés, ainsi que les mesures contre la violence lors de manifestations sportives.

La recherche d’informations se compose essentiellement de l’exploitation de sources accessibles au public, des informations transmises par d’autres autorités et la surveillance de lieux publics et librement accessibles. Le Service de renseignement de la Confédération (SRC, et jusqu’à fin 2009 le Service d’analyse et de prévention de la Confédération) reste très discret sur ses activités. La LMSI mentionne différents types de surveillance comme les opérations préventives, les programmes de recherche préventifs, les programmes d’examen et la liste d’observation. Pour simplifier, on peut dire qu’il s’agit de cas différents lors desquels la surveillance est opérée et les principes-cadres concernant la manière dont elle doit être conduite.

Les moyens actuellement autorisés
La loi suisse ne permet actuellement pas de procéder à une surveillance aussi intrusive à titre préventif que dans le cadre d’une enquête pénale par exemple. La surveillance de la correspondance par poste et télécommunication, la surveillance des relations bancaires, ou la surveillance de lieux qui ne sont pas librement accessibles au moyen d’appareils techniques ne sont ainsi pas permises par la LMSI, de même que la perquisition d’un système informatique. Si les mesures portant le plus atteinte à la sphère privée ne sont pas autorisées, c’est surtout parce qu’à ce stade, aucune infraction ou acte préparatoire à la commission d’une infraction au sens pénal n’a été commis. Une atteinte à la sphère privée, comme cela est toléré dans d’autres pays, n’est pas admissible en Suisse. En revanche, si une infraction pénale a été commise ou est en cours de commission (comme la participation à une organisation criminelle ou la commission d’actes préparatoires délictueux), la situation est différente. On se retrouve alors dans le cadre d’une enquête pénale classique confiée à la police judiciaire et dans laquelle les mesures de surveillance précitées peuvent être autorisées par un magistrat.

Si l’Etat ne bénéficie a priori pas du droit de procéder à une surveillance préventive de manière beaucoup plus étendue qu’une personne privée, iI bénéficie en revanche de compétences nettement plus larges en matière de traitement des informations dont il dispose. Les services de renseignement suisses peuvent établir et traiter des profils de personnalité des personnes soupçonnées d’avoir un comportement représentant une menace pour la sûreté du pays. Ils peuvent également traiter d’autres données sensibles s’il ressort d’informations existantes que ces données ont un lien avec la préparation ou l’exécution d’activités terroristes, d’espionnage ou d’extrémisme violent, ou ont un lien avec le crime organisé.

Pas d’autres moyens à court terme
Un projet de révision de la LMSI (appelé LMSI-II) a débuté en 2006 déjà par la publication d’un avant-projet de loi par un office de l’administration fédérale, ce qui est plutôt inhabituel. Cette révision prévoyait pour les autorités et les transporteurs commerciaux un devoir de transmission de certaines informations, la possibilité pour les services de renseignement de surveiller la correspondance par poste et télécommunication, ainsi que la possibilité d’utiliser des systèmes de surveillance techniques dans des lieux non accessibles au public.

Les deux chambres du parlement fédéral (Conseil national et Conseil des Etats) ont choisi de renvoyer le projet au Conseil fédéral le 28 avril 2009. Le 27 octobre 2010, le Conseil fédéral a adopté une nouvelle mouture du projet LMSI-II. Cette seconde variante remaniée renonce à l’utilisation de moyens spéciaux d’acquisition d’informations tels que la surveillance de la correspondance ou l’observation de lieux non librement accessibles, y compris à l’aide d’appareils techniques de surveillance. Le Conseil fédéral suisse a déjà annoncé qu’il n’abandonnait pas complètement cette idée et que la nécessité d’avoir recours à de telles mesures serait réévaluée dans le cadre de la future loi unifiée sur les services de renseignement dont le projet est annoncé pour 2012.

Cet article est le premier d’une série de trois articles consacrés aux services suisses de renseignement civil. Le deuxième est consacré aux organes de contrôle du renseignement et aux problèmes découverts récemment. Le troisième se fait l’écho de la prise de position du gouvernement suisse face à ces dysfonctionnements et aux moyens prévus pour y remédier.

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