Il est toujours difficile de jouer à la lecture de la boule de cristal et de décrire les grandes tendances de la nouvelle année, mais il y en a une qui mérite que l’on s’y attarde: les balises (beacons en anglais), rendues populaires par les iBeacon de Apple et Placedge de Samsung notamment. Elles pourraient bien révolutionner la manière dont l’acheteur se comporte dans un magasin et surtout permettre au vendeur d’identifier et relier l’identité en ligne et dans le monde physique. En effet, quoi de plus frustrant pour le vendeur que de ne pas pourvoir faire le lien entre la personne qui se tient en face de lui dans le magasin et celui qui lui a laissé tant d’informations sur ses préférences d’achats sur un site web !
Comment cela fonctionne-t-il ?
De manière simplifiée, il s’agit de deux appareils qui communiquent entre eux par Bluetooth. Plus exactement, on a d’un côté une balise qui émet en continu des signaux à l’attention des téléphones portables dans un rayon de quelques dizaines de mètres. Ces signaux utilisent le Bluetooth Low Energy (BLE), une technique de transmission sans fil créée à l’époque par Nokia. Le coût d’une balise est faible et son autonomie assez longue, ce qui rend cette technologie particulièrement intéressante.
De l’autre côté, le téléphone portable reçoit le signal (en principe un identifiant unique par balise) et réagit en affichant un message personnalisé, en démarrant une application, en indiquant sa localisation ou en échangeant des informations.
Quels sont les avantages ?
Le propriétaire de la balise peut communiquer des informations individualisées au propriétaire du téléphone portable (publicité ciblée, bons de réductions, etc.) sans avoir besoin d’une intervention de ce dernier. Il peut aussi obtenir des informations précises sur le visiteur (qui est-il, quel est son historique d’achat, quelles sont ses préférences), voire faire s’afficher automatiquement des informations sur le téléphone (carte client, mais également carte de donneur d’organes à l’arrivée à l’hôpital). L’utilisation de plusieurs balises ou l’utilisation de données de localisation du téléphone permet d’appréhender tous les déplacements de l’acheteur dans le magasin et devant la vitrine (sans qu’il soit nécessaire de recourir à des systèmes de reconnaissance biométriques).
Quelles sont les limites ?
Le signal transmis par la balise va généralement déclencher une action qui ira au-delà de l’affichage d’un message, comme l’activation d’une application mobile et la transmission de données d’identification, etc. Dans ce cas, des données personnelles sont traitées. Le profil de déplacement d’un utilisateur, même anonyme, peut rapidement être identifié s’il s’agit par exemple d’un employé. Des données apparemment anonymes devront alors être considérées comme des données personnelles.
Le traitement de données personnelles doit être légitimé. On admettra qu’il y a un tel intérêt si le système est utilisé pour des motifs de sécurité (s’assurer que les personnes entrées dans une zone de l’aéroport en sont ressorties) ou pour des analyses purement statistiques dans lesquelles les personnes ne sont pas identifiables. Le Préposé fédéral à la protection des données et à la transparence a rappelé que les analyses à des fin de marketing ne peuvent être justifiées que par le consentement libre et éclairé des personnes concernées et que la surveillance des employés par de telles méthodes est absolument exclue (Rapport d’activités 2013/2014, p. 62).
L’utilisation de balises est donc licite pour autant que les personnes concernées soient correctement informées et qu’elles aient la possible de choisir de participer ou de rester à l’écart. Un consentement tout général lié à l’installation d’une application du vendeur serait insuffisant. Si aucune donnée sensible n’est recueillie et qu’aucun profil de personnalité n’est établi, une information clairement visible à l’entrée du magasin et une possibilité simple de s’y opposer pourraient suffirent.
Certains termes ou technologies sont couramment utilisés sans que l’on ne prenne vraiment le temps d’expliquer de quoi il s’agit, ce qui n’est pourtant pas inutile. Nous avons déjà présenté les notions de Do not track/ne me trace pas, Privacy by design/protection intégrée de la vie privée, les puces RFID, Open Data, les données massives (Big Data) et le skimming.