L’année passée, j’ai été invité par l’Office fédéral de la communication (OFCOM) à rédiger une analyse sur la manière dont le droit suisse protège le débat libre dans l’espace public numérique. C’était bien avant l’assaut du Capitole américain et la suspension du compte Twitter de Donald Trump, mais il était déjà clair que l’État devait prendre des mesures législatives.

L’étude examine comment les intermédiaires d’information sont réglementés en droit suisse dans les domaines qui concernent la sphère publique, puis évalue ces normes réglementaires et leurs éventuelles lacunes ou problèmes d’application et fait des propositions pour améliorer ces réglementations.

Une sphère publique pas assez protégée

Si la protection de l’individu en tant que tel est plutôt bien assurée, qu’il s’agisse d’atteintes à la personnalité, d’atteinte à la réputation, ou d’exposition à du contenu non sollicité, la protection de la société et de l’intérêt collectif est en revanche nettement moins bien encadrée. L’intérêt pour la société démocratique de pouvoir jouir d’une sphère publique qui fonctionne correctement et où des débats peuvent se dérouler librement n’est que peu protégé.

Cela s’explique d’abord par le fait que la sphère publique au sens précité n’est pas un bien juridiquement protégé en droit pénal, ni même ne correspond à une notion juridique clairement définie. Cela s’explique ensuite par le fait que le respect de la liberté d’expression, que l’État doit garantir et protéger, rend toute mesure de contrôle délicate. Une société démocratique a besoin d’un débat ouvert au sein de la sphère publique, c’est-à-dire un espace où chacun peut s’exprimer, y compris en énonçant des éléments qui pourraient déplaire à l’État. Une absence totale de mesures ne permettrait pas non plus de favoriser un débat démocratique sain.

Plus de transparence

Il est ainsi recommandé de compléter les moyens civils en cessation du trouble pour protéger la sphère publique à l’image de ce qui existe en droit de la personnalité. Il faudrait aussi introduire une obligation de renseigner pour identifier l’intermédiaire d’information, une obligation spécifique de transparence sur les modalités de sélection et de diffusion du contenu, et une obligation plus générale de publier un rapport régulier sur les contenus promus, supprimés, etc., ainsi que les critères utilisés. Parallèlement, des droits de contrôle étendus doivent être garantis aux utilisateurs, notamment pour leur permettre de renoncer à une pré-sélection personnalisée.

L’étude insiste finalement sur l’importance du soutien à la presse et de la sensibilisation aux risques de manipulations et de fausses informations.

L’étude, rédigée avec Annelise Ackermann, est publiée sur le site de l’OFCOM: Évaluation de la régulation existante et des options de la régulation concernant les intermédiaires d’information en Suisse du 30 octobre 2020 (91 pages).

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