Le Parlement fédéral a adopté le 14 décembre 2018 un projet de Loi fédérale sur l’amélioration de la protection des victimes de violence. La question d’une éventuelle codification de l’infraction de harcèlement obsessionnel restait ouverte et la Commission des affaires juridiques du Conseil National (CAJ-N) avait préalablement sollicité de l’Office fédéral de la justice (OFJ) la production d’une note de discussion relative à la question d’une éventuelle. L’OFJ a publié il y a quelques semaines un rapport qui doit servir de base de discussion à la CAJ-N et qui fait le point sur la punissabilité actuelle du harcèlement.

Qu’est-ce que le harcèlement ?

Le harcèlement n’est pas un phénomène nouveau. L’art. 34 de la Convention du Conseil de l’Europe du 11 mai 2011 sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (Convention d’Istanbul) définit le harcèlement comme le fait, lorsqu’il est commis intentionnellement, d’adopter à plusieurs reprises un comportement menaçant dirigé envers une autre personne, conduisant celle-ci à craindre pour sa sécurité. Bien qu’il existe de nombreuses définitions, les principales caractéristiques sont la répétition des actes, un comportement menaçant, la peur de la victime et un agissement intentionnel. L’éventail des actes possibles est donc très large (recherche de contact et de proximité, contrainte, violence, observation de la victime, usurpation d’identité, atteintes à l’honneur, etc.).

Quant au cyberharcèlement, il recouvre tous les actes de harcèlement qui utilisent des moyens de communication électronique. Même s’il n’est pas rare que le harceleur se sente désinhibé en raison de la distance (virtuelle) qui le sépare de sa victime, les exigences pour que le harcèlement soit sanctionné sont les mêmes que le harcèlement ait lieu en ligne ou dans le monde physique.

Qu’en est-il juridiquement ?

Le code pénal punit le harcèlement dans sa globalité ou certains comportements particuliers On peut citer par exemple les lésions corporelles graves et simples (122s CP), les voies de fait (126 CP), les dommages à la propriété (144 CP), les délits contre l’honneur (173ss CP), l’utilisation abusive d’une installation de télécommunication (179epties CP), la contrainte (181 CP), les menaces (180 CP), la violation de domicile (186 CP), la contrainte sexuelles (189 CP) et le viol (190 CP). Il devrait s’y ajouter l’usurpation d’identité si le projet de révision de la LPD est adopté. Le code civil contient aussi des mesures de protection de la personnalité (notamment 28ss CC), ce qui remplit les exigences de l’art. 34 de la Convention d’Istanbul.

Le harcèlement doux n’est en revanche pas punissable puisqu’il s’agit précisément de tous les actes qui ne tombent pas sous le coup d’une norme pénale en vigueur. La victime n’est donc pas oppressée de manière reconnaissable.

Cependant, le Tribunal fédéral a déjà retenu que l’on pouvait tenir compte des comportements précédents (qu’ils aient eu lieu dans le monde réel ou en ligne) pour déterminer si l’acte jugé revêt une intensité suffisante pour être comparable à un acte de violence ou une menace et ainsi réaliser l’infraction de contrainte (181 CP) .

Comme le souligne l’OFJ, adopter une infraction spécifique de harcèlement (ou compléter les infractions de contrainte ou de menace) ne modifierait pas sensiblement la situation actuelle mais ne ferait que codifier la jurisprudence du Tribunal fédéral. Cela renforcerait certes le fait que le harcèlement doit être considéré dans sa globalité, mais la protection des victimes ne serait pas sensiblement améliorée et les problèmes de preuves subsisteraient.

 

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