Dans un arrêt rendu le 6 juin 2011 et à paraître prochainement au recueil officiel, le Tribunal fédéral a rappelé qu’il n’existait aucun droit de consulter le dossier avant la première audition, ni pour l’avocat, ni pour la personne interrogée (1B_261/2011). Par conséquent, il n’y a pas de voie de droit pour contester le refus d’accéder au dossier. Le droit de se faire assister par un avocat n’implique pas un droit d’accès au dossier.

Statu quo
La situation actuelle est similaire à celle qui prévalait avant l’entrée en vigueur du Code de procédure pénale fédéral (CPP). Si l’accès au dossier est garanti aux parties de manière générale, l’art. 101 al. 1 CPP précise cependant que les parties peuvent consulter le dossier d’une procédure pénale pendante, au plus tard après la première audition du prévenu et l’administration des preuves principales par le ministère public. Ainsi, le droit de consulter le dossier peut être limité avant la première audition du prévenu, à moins que la première audition ne se déroule devant le tribunal des mesures de contrainte et concerne la détention préventive (art. 225 al. 2 CPP).

La consultation du dossier par le prévenu avant sa première audition par la police n’est donc pas garantie par le Code de procédure pénale, même si rien n’empêche la direction de la procédure de l’autoriser, en tout ou partie, avant cette première audition précise le Tribunal fédéral. Il cite encore plusieurs décisions rendues antérieurement pour démontrer que ni la Constitution, ni la CEDH ne garantissent au prévenu ou à son conseil le droit inconditionnel de consulter le dossier de la procédure à ce stade de la procédure.

Un droit exclu par le législateur
Le Tribunal fédéral rappelle qu’il s’agit d’un choix du législateur fédéral qui a refusé de reconnaître de manière générale au prévenu un droit de consulter le dossier dès le début de la procédure. Le Conseil national a écarté une proposition de minorité qui allait dans ce sens au motif qu’une consultation totale et absolue du dossier en début d’enquête pouvait mettre en péril la recherche de la vérité matérielle (BOCN 2007 949-950).

Se taire pour avoir le dossier
Le prévenu confronté à un refus de la police de lui donner accès au dossier pourra soit répondre aux questions qui lui sont posées, soit faire usage du droit de se taire qui lui est reconnu par le droit constitutionnel et conventionnel ainsi que par le CPP. Un refus de répondre exprimé lors de sa première audition ne saurait lui être opposé pour exclure ensuite la consultation du dossier et ne devrait normalement pas lui porter préjudice par la suite, puisqu’il fait simplement valoir un droit. Pour le Tribunal fédéral, le droit de se taire lui permet de ne pas souffrir du fait qu’il n’a pas accès au dossier.

Faut-il dès lors systématiquement se taire durant la première audition? Difficile d’en faire une règle, d’autant qu’une telle attitude risque de ne pas recueillir la sympathie de l’autorité. Si tel doit être le cas, mieux vaut que cela apparaisse comme une instruction du conseil juridique plutôt que du prévenu. Il faudrait toutefois rester raisonnable et éviter de prolonger inutilement la procédure: cela vaut pour la police qui devrait laisser l’accès au dossier aussi souvent que possible (légalement elle peut le faire) et ne pas chercher à tout prix à profiter d’un effet de surprise lorsque cela n’est pas nécessaire. Mais cela vaut également pour le prévenu et son conseil qui ne devraient pas refuser de répondre uniquement par principe ou par chicane. La prudence prévaudra toutefois, notamment lorsque les faits reprochés ne sont pas connus.

Eine Zusammenfassung auf Deutsch dieser Budesgerichtentscheid ist verfügbar auf dem website von Konrad Jeker strafprozess.ch.

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