Dans le cadre du litige fiscal avec les Etats-Unis, le Tribunal fédéral a confirmé le droit des ex-employés d’obtenir une copie de documents les concernant que la banque a communiqués aux autorités judiciaires américaines (arrêt 4A_406/2014 du 12 janvier 2015 publié aux ATF 141 III 119).
Les faits
En 2012, la banque genevoise a transmis, comme d’autres instituts financiers suisses, les noms ainsi que d’autres données sur des employés, actuels et anciens, qui se sont occupés de clients de la banque sur le territoire américain. Les employés concernés n’avaient pas été avertis. Suite à plusieurs procédures, la banque a finalement autorisé les deux anciens employés à prendre connaissance des documents au siège de l’entreprise, mais elle a refusé de leur en remettre une copie, invoquant notamment les dispositions pénales réprimant la violation du secret bancaire. Les documents demandés contiennent pourtant bien des données personnelles et les anciens employés ont en principe le droit d’en obtenir une copie gratuitement. Le Tribunal fédéral devait examiner si la banque pouvait valablement opposer une exception à ce principe.
Un droit à une communication écrite
La communication écrite des données constitue la règle. A titre exceptionnel, une consultation sur place ou une communication orale des pièces du dossier peut remplacer une communication écrite dans le cas où la personne intéressée est d’accord avec ce mode de faire.
L’inconvénient résultant de la communication systématique des dossiers aux personnes qui le demandent et en particulier le surcroît de travail qui en résulte est propre à tous les détenteurs de fichiers. Ce n’est pas pour autant une cause de refus de la communication écrite. Le législateur en a néanmoins tenu compte, puisqu’il permet dans certains cas que cette surcharge fasse exception à la gratuité de la communication.
On ne peut pas renoncer par avance au droit d’accès garanti par l’article 8 de la Loi fédérale sur la protection des données (LPD) et toute disposition dans ce sens d’un règlement interne est nulle. Une renonciation (non anticipée) au droit d’accès n’est envisageable que si la personne concernée connaît déjà l’essentiel de l’information à laquelle elle pourrait avoir accès.
Lors de la conclusion du contrat de travail, les employés ne connaissaient évidemment pas les informations qu’ils réclament aujourd’hui, et encore moins le fait que leur employeur transmettrait des informations à une autorité étrangère, ce dont il ne les a d’ailleurs pas informés spontanément. La banque ne peut donc pas invoquer valablement une règlement interne qui prévoit que les employés renoncent à leur droit.
Il ne s’agit de plus pas d’une démarche abusive. Les employés, qui n’ont pas à justifier leur demande, ont pour but éventuellement d’agir contre la banque et d’être armés en vue d’une possible action du Département américain de la justice à leur encontre.
Le secret bancaire
La banque considère qu’elle a une interdiction légale de communiquer les renseignements demandés en raisons du secret bancaire (art. 47 LB et 162 CP).
La communication aux ex-employés des informations sur les clients de la banque équivaut aujourd’hui à une remise à des tiers (et ce, même si, après la fin des relations contractuelles, ils sont encore soumis au secret bancaire), ce qui constitue en soi, dans la perspective de la banque, un comportement punissable au sens de l’article 47 LB (ce qui est d’ailleurs également le cas pour la simple consultation, sur place, des données).
Conformément à l’interdiction formulée par le Conseil fédéral, dans sa décision du 4 avril 2012, les banques n’ont pas transmis d’informations permettant d’identifier les clients. Ces documents ne violent donc pas le secret bancaire. Quant au fait que les employés ont pu prendre connaissance des documents intégraux et qu’ils pourraient de mémoire reconstituer les éléments caviardés, cet argument ne convainc pas. Ce ne serait en effet pas la remise des documents écrits qui leur permettrait d’identifier des clients qu’ils connaissent déjà.
Pas d’intérêt prépondérant de la banque
La banque ne peut pas non plus faire valoir son intérêt propre dans la mesure où elle a antérieurement volontairement remis les documents litigieux à un tiers (autorités américaines), alors qu’elle n’y était pas contrainte par une obligation légale. Les données ayant déjà été communiquées à un tiers, il est difficile pour la banque de prétendre que son intérêt prime sur celui des employés, d’autant plus que ces derniers ont déjà pu prendre connaissance du contenu des documents, aussi bien au cours de leur ancienne activité professionnelle que par le biais de leur consultation respective sur place. Les éventuelles informations confidentielles leur sont donc déjà connues. Les documents ne contiennent en outre pas de noms de clients.
Comme les anciens employés continuent à être liés par le secret bancaire ainsi que par le secret professionnel, la crainte de la banque que des données sensibles soient rendues publiques doit être relativisée.
Pas d’intérêt prépondérant de tiers
Les documents transmis aux autorités américaines ne devaient pas contenir d’informations permettant d’identifier les clients. L’autorité judiciaire précédente a au surplus déjà autorisé la banque à anonymiser les éléments permettant d’identifier les (ex-)collaborateurs et les tiers. Ces mesures sont suffisantes pour protéger les tiers et ne permettent pas de s’opposer à l’exercice du droit d’accès.
Aux yeux du Tribunal fédéral, la situation n’est pas si particulière qu’elle nécessiterait d’envisager une exception non prévue par le Conseil fédéral dans son Ordonnance complétant la LPD. En tous les cas le Tribunal a systématique écarté tous les arguments soulevés par la banque.
Cette décision ne révolutionne pas la notion de droit d’accès mais elle en rappelle les contours, parfois méconnus. Elle confirme de plus que le droit d’accès n’a pas à être motivé, qu’il implique le droit de recevoir copie, en principe gratuitement, et que les exceptions sont limitées.